La maison Fournaise
Alphonse Fournaise (1823-1905), déclaré « constructeur de bateaux » dès 1853, installe son atelier sur l’Île du Chiard (Île de Chatou) vers 1857. Il s'occupe de la construction des canots, de l'organisation, des fêtes nautiques et de l'intendance. Son fils, Alphonse Hippolyte Fournaise (1848-1910), gère la vente, la location et l'entretien des bateaux.
Vers 1860, avec sa femme, ils deviennent propriétaires d’un restaurant puis procèdent à plusieurs constructions et agrandissement jusqu'en 1877, date à laquelle est édifié le large balcon qui va devenir célèbre, ainsi que la terrasse le prolongeant. Madame Fournaise veille à la perfection de la cuisine.
Alphonsine, leur fille, est l'attrait de la maison. Elle est remarquée par la grâce de son accueil, sa beauté et son charme, elle est choyée par les peintres parmi lesquels Auguste Renoir (1841-1919). Celui-ci fréquente en effet assidûment le Restaurant Fournaise de 1868 à 1884. « J'étais toujours fourré chez Fournaise, j'y trouvais autant de superbes filles à peindre que je pouvais en désirer ». De nombreuses toiles de Renoir montrent la Seine à Chatou et ses ponts, les canotiers ; l'un de ses plus célèbres tableaux réalisé en 1881 fut celui où il fait poser ses amis sur le balcon du restaurant et qui est intitulé Le Déjeuner des Canotiers (Phillips Collection, Washington). On y reconnaît entre autres, Alphonse Fournaise fils et sa sœur Alphonsine.
Maurice Réalier-Dumas (1860-1928) est un jeune peintre qui habite à Chatou. Il vient retrouver les artistes et une idylle le lie à Alphonsine, celle-ci dure pendant 50 ans. Il peint quatre compositions sur les murs extérieurs du restaurant, Les quatre âges de la vie, fresques restaurées à ce jour. Beaucoup d'artistes s'amusent à décorer les portes, les murs du porche ou de la terrasse et y écrivent des vers.
A l'angle du balcon de la maison Fournaise où a été peint le tableau "Déjeuner des canotiers" de Pierre Auguste Renoir, est forgé le chiffre qui représente l’entrelacement des initiales d’Alphonse Fournaise de même que sur les portes du restaurant.
Guy de Maupassant (1850-1893) est un passionné de canotage à Chatou et entre 1873 et 1890, il prend souvent pension chez Fournaise qu'il appelle le restaurant Grillon dans son roman « La Femme de Paul ». Il immortalise l’ambiance festive de la Maison Fournaise et le canotage dans plusieurs nouvelles publiées en 1880 dans le recueil intitulé « La Maison Tellier » : « La femme de Paul », « Mouche », « Sur l’eau », « Yvette »...». Il laisse un poème à l’intérieur du restaurant Fournaise, illustré par un chien dessiné par le Comte Lepic.
En 1900, Maurice de Vlaminck (1876-1958) et André Derain (1880-1954), qui habitent Chatou, s'installent dans une salle délabrée du Restaurant Levanneur, passé de mode, près de la Maison Fournaise. Ils deviennent les créateurs de l'Ecole de Chatou et du Fauvisme. Henri Matisse et Guillaume Apollinaire les fréquentent.
Paul Poiret (1879-1944), le grand couturier qui a libéré la femme du corset, les rencontre régulièrement. Il devient l’un des piliers du Cercle Nautique de Chatou (C.N.C.) fondé en 1902, l’un des plus grands clubs nautiques de la Seine, dont les monotypes seront amarrés au bas de la Maison Fournaise. Tout en conservant son nom, le C.N.C. quittera le rivage de la Maison Fournaise pour Les Mureaux en 1929.
Alphonse Fournaise disparu, Alphonsine ferme le restaurant vers 1906 et s'éteint en 1937, âgée de 91 ans. Elle lègue sa maison à des cousines qui tiennent un autre Restaurant Fournaise à Rueil-Malmaison. En 1953, la maison Fournaise est vendue à un particulier qui y crée treize logements précaires.
En 1979, la Ville de Chatou décide de procéder à l’acquisition la maison Fournaise qui menace ruine. Puis en 1982, elle obtient l'inscription du restaurant Fournaise à l'inventaire des Monuments Historiques. La maison est restaurée par la Municipalité avec des aides de l’Etat, de la Région, du Département et le soutien de deux associations, les Amis de la Maison Fournaise et Friends of French Art.
En 1991, le restaurant dont les salles sont décorées de peintures murales réalisées par de féroces caricaturistes de l’époque, est inauguré. Suit le Musée Fournaise en 1992 puis en 1999 l’ouverture d’une gare d’eau qui abrite un restaurant et un atelier de restauration de bateaux (Sequana), enfin une réhabilitation du hameau Fournaise est réalisée en 2003. Aujourd’hui encore, les projets se poursuivent pour mettre en valeur le site.